Aujourd’hui je reprends le travail. Hier c’était le 11 mai 2020 : déconfinement officiel mais cela ne le sera pas pour ma famille. Enfin pas entièrement, on va continuer à faire attention, se protéger tout en protégeant les autres.
On rembobine le film et on revient quelques semaines en arrière :
Il y a quelques mois en Chine, un virus est apparu : on a regardé cela de loin, il faut dire la Chine est loin de chez nous. Puis il a débarqué en Italie et en Espagne : là c’était à nos frontières… Il y a 8 semaines, le couperet tombait : le confinement était national. Cela faisait une semaine qu’on était rentré de vacances à la montagne, recinqués pour assurer jusqu’aux vacances d’été.
- Du jour au lendemain, sur ordre de la Métropole, je n’ai plus accueilli les enfants.
- Du jour au lendemain, sur ordre de l’état, j’ai gardé mes filles à la maison en réalisant la continuité pédagogique
- Du jour au lendemain, sur ordre national, mon homme a travaillé à la maison.
Les premières semaines ont été très éprouvantes émotionnellement, car en tant qu’assmat’, on a un statut particulier (soyons honnête, on a un statut de merde….). L’activité partielle n’existe pas. Plein de questions tournaient en rond dans ma tête, m’obsédant constamment sans trouver de réponses :
- qu’en allait il être de mon salaire ?
- est ce que j’allais toucher quelque chose ?
- si je n’avais rien, comment ferais t on financièrement ?
- l’accueil ne se faisait plus sur ordre de la Mét’, mais l’état a dit que les assmat devaient continuer à travailler : reprendrais-je le travail si mes employeurs me le demandaient ? Arriverais je à assurer une qualité d’accueil en faisant l’école à la maison et avec jn en télétravail ?
- est ce que les parents vont me garder et me payer à rien faire ?
- est ce que l’aide de l’état pour les assmats sera pour tout le monde ? est ce qu’il y aura des conditions ?
Beaucoup de questions, peu de réponses sûres ! Une fois le 1er avril passé et ces réformes financières +/- mises en place, j’ai été rassurée en terme de salaire. Mes trois employeurs ont décidé de me maintenir mon salaire : un sacré soulagement. Je les en remercie encore.
Durant tout le confinement j’ai essayé de garder contact avec les enfants en mettant en place des petits rituels chaque jour : une histoire racontée, une position de yoga à reproduire, une comptine chantée, des défis à relever pour le we. Puis j’ai pu les voir en whatsapp : c’était important pour moi de continuer à les voir même virtuellement, d’entretenir le lien.
Mais pas toujours facile, car mes employeurs devaient télétravailler et quoiqu’en pensent le gouvervement ou les PDG, travailler avec des enfants dans les pattes c’est un rien compliqué et les journées sont longues.
Moi je me suis retrouvée avec la casquette de maîtresse officielle de Manon CE1 et Chloé CM1. Un rôle pour lequel j’étais pas du tout prête, mais alors vraiment pas du tout ! Autant gérer des petits et continuer leur apprentissage, je gère “finger in the noze”. Mais apprendre les fractions, les conjugaisons et autres… bah je gère beaucoup moins ! Pas parce que je comprends pas, mais je n’ai pas cette pédagogie qu’ont les enseignants. Et contrairement à eux et aux petits que j’accueille, il ya cette notion affect entre mes filles et moi : difficile de garder une distance émotionnelle.
Puis durant ces semaines, je m’étais mise un challenge : trier et ranger le surplus. J’ai tendance à accumuler, j’ai le syndrôme du frigo vide (je panique quand celui-ci est vide) et ça marche un peu pour tout dans la maison. Fan des loisirs créatifs, je garde tout et achète régulièrement. Mais j’adore quand c’est rangé au carré : chaque chose à sa place. Ces derniers mois, les placards étaient complet de chez complet : il fallait faire un tri impérativement ! Mais on le repoussait toujours, car impossible de trier le soir pas assez le temps et on gardait nos we pour en profiter. Du coup on repoussait constamment.
Alors j’ai mis en place un planning assez vite avec les filles. J’ai besoin d’organisation, de rythme et de routine dans ma vie : ça me rassure. Et avec l’arrivée de ce coronavirus, autant vous dire que mon niveau de confiance était descendu assez bas. J’ai donc mis en place des éléments pour me rattraper aux branches comme on dit, et limiter la casse. Voici notre planning :
- debout 9h
- école 10-11h
- récréation : 11-11h30
- école 11h30-12h30
- repas : 13h
- temps libre maman : 14-16h
- correction devoirs 16-17h
- gouter : 17h
- fin de journée
- repas 19h30
- dodo 20h45
Le réveil peut sembler tardif, mais j’ai des dormeuses à la maison. Puis avec tout ce stress, je dormais très mal. Pas fatiguée, du coup je me couchais tard avec de multiples réveils, alors je rattrapais mon sommeil de 5h à 9h. Sauf que ce que j’avais pas prévu, c’est que Manon ne serait pas du tout autonome. Quà son âge, même si elle adore l’école, sa capacité à rester concentrée en étant seule, ne dépassait pas les 10 minutes. Du coup, impossible de préparer le repas le matin, d’assurer le ménage, le linge : toutes ces petites choses qu’il y a sur ma liste quotidienne. Mais surtout impossible d’avancer mon grand projet de tri : sauf que j’en avais besoin car j’étouffais ces derniers mois : trop de choses…
Alors j’ai du revoir mes espérances à la baisse. Passer les heures d’école avec Manon, préparer les exercices en amont pour trouver des astuces au cas où ça bloquerait.
Par contre j’ai été épatée par ma grande qui a assuré ! Elle était autonome à 95%, je lui préparais tout à l’avance, imprimais et classais ces documents (merci la maîtresse pour l’organisation). Du coup elle a tout géré en solo me permettant d’assurer avec Manon ! Bon elle savait que j’étais là pour des coups de pouce.
On a trouvé nos marques un peu avant les vacances scolaires. Et là rebelote changement de programme : plus de devoirs pour les occuper une partie de la journée… Et mon rangement avançait peu à peu (mais pas assez vite à mon goût…). Alors j’ai voulu leur proposer des devoirs de vacances, mais elles qui aimaient ça, commencaient à saturer !
Alors ZUT, j’ai tout laissé tomber et j’ai profité d’elles. Je me suis laissée porter par leurs envies et leurs besoins et j’ai profité de petits moments de calme pour avancer mon rangement.
Puis un nouveau stress (mais put… ça va se finir quand ???) : message de l’école : est ce qu’on remets les enfants à l’école ? Mais quelles sont les conditions d’accueil ? Ha mais on ne sait pas madame comment voulez vous que l’on sache ? on ne sait pas combien d’enfants on va avoir… Bref c’est le serpent qui se mord la queue.
Gros dilemne : je les remets ou pas à l’école ? Quel choix cornélien pour les parents…
L’école des filles est assez grande vu qu’elle accueille 18 classes du CP au CM2, donc beaucoup d’élèves : peu de WC, de lavabos … Comment respecter les gestes barrières ? Mais en même temps, les filles veulent revoir leurs copines (même si on a gardé le contact) et leurs maîtresses. Mais franchement est ce vraiment un contact derrière un masque et loin d’eux ?
Puis bon je suis à la maison, je peux assurer encore l’école à la maison. Ha mais attends si je retravaille comment m’organiser avec les enfants que je vais garder et les miens ? Comment occuper et protéger tout le monde ?
Toujours des questions, encore des questions….
Hop, nouveau coup de stress : comment continuer mon métier dans de telles conditions ??? Puis d’un coup l’état et la pmi se réveillent après plus de 6 semaines de silence pour nous pondre un guide de reprises dans les bonnes conditions !!!! Je crois que ceux qui ont établi ce guide n’ont jamais gardé d’enfants, et n’en ont jamais eus !!!! Alors j’ai réfléchi, encore et encore à comment accueillir tout le monde tout en les protégeant, en protégeant mon conjoint et mes filles et moi. A la base, je suis technicienne sup en biochimie, du coup bosser en salle blanche, les techiques de désinfection et leurs utilités : je connais !
Alors j’ai créé un nouveau protocole, me permettant de suivre en partie les gestes barrières et d’assurer un accueil correspondant à mon protocole initial. La première chose que j’ai vu avec mes employeurs c’est qu’il n’y aurait pas de distanciation sociale entre les enfants et moi à moins de les enfermer dans un parc. Ce n’était pas compatible.
Il n’y aurait pas non plus de lavage et désinfection à outrance vu que les jouets seront dispo pour tous.
Il y aurait surtout des câlins, des jeux, des rires, des livres et des activités : ce sont des enfants en construction je me dois de les accompagner.
Par contre je porterai un masque et des vêtements pour travailler. Je ne ferais pas de bisous et de câlins à mes propres enfants tant que je ne serais pas douchée et changée le soir ! Mais on va jouer, rire et sortir se balader. On va reprendre une activité normale (on dirait les guignols sur canal +).
Ma maman qui habite à côté va prendre aussi un peu les filles pour les sortir de la maison, pour qu’elles aient aussi un moment seule à seule et puis soyons honnête pour me soulager aussi.
J’ai mis en place des repères : des affiches pour se laver les mains, des boîtes pour les habits qui restent devant la porte et un train de la semaine pour repérer qui est présent chez Nanny.
Voilà en partie mon nouveau protocole, je suis prête à reprendre le travail. Je suis prête à retrouver les loulous que j’ai pas vu depuis deux mois. Quand tu viens de fêter tes 11 mois : deux mois d’absence, c’est énorme! J’appréhende un peu avec mister L, va-t-il me reconnaître ? Vais je lui faire peur avec mon masque ?
Ai je fait les bons choix ?
Cette question va résonner longtemps en moi, je suis en accord avec ce que j’ai mis en place, mais ai je fait les bons choix ? Je ne le saurais jamais. Mais je saurais que c’était bon, si tout le monde rit, si tout le monde grandit bien et si tout le monde est en bonne santé. Mais si quelqu’un tombe malade…. Je repousse très loin de moi cette interrogation qui n’amène rien.
Je me repose sur mon protocole, mes connaissances et cette envie d’avancer, cette envie de reprendre, pas une vie comme avant, mais une vie que l’on va construire tous ensemble.
J’appréhende un peu cette reprise : cela fait 2 mois que je n’ai plus travaillé, que j’ai profité des filles. Car oui j’ai aimé ces deux mois de pause, malgré le stress et l’apréhension. On a pas eu de tensions avec mon homme a être enfermé 24/24 ensemble. Les filles se sont bien adaptées, étaient volontaires pour l’école. On s’est retrouvé tous ensemble. Ok Jn a eu beaucoup de travail et j’ai géré beaucoup de choses mais j’en garde un bon souvenir.
Maintenant une nouvelle organisation pointe le bout de son nez, il y aura surement des ajustements, mais je suis aussi contente de passer à autre chose, de retrouver les loulous que j’accueille de retrouver mon équilibre.
L’interphone sonne : la reprise est là.
Perso, on n’a beaucoup de chances d’être en France, on n’a qu’en même plus d’avantages qu’en Inde. On peut faire la distanciation contrairement à eux qui sont confinés à 10 dans une seule pièce de 12 mètres carrés; on est des privilégiés et le pire c’est que les gens ne s’en rendent pas compte hélas et se plaignent de tout et de rien; on devrait même se réjouir de notre situation même si elle ne sera plus comme avant !